Montréal, 5 décembre 2012 – La gorge nouée, les yeux remplis de larmes et les battements du cœur en accéléré, voilà l’état dans lequel se trouvaient plusieurs des 175 personnes présentes au Gala annuel de Plongeon Québec lorsque Maxim Bouchard a reçu le trophée Philippe Comtois, remis chaque année à l’athlète ayant démontré une persévérance hors du commun pour surmonter une série d’obstacles majeurs.
Après deux heures à célébrer les faits d’armes des membres de la fédération, la foule a écouté l’entraîneur Andrée Pouliot-Deschamps raconter avec émotions le récit tragique du plongeur. Lui-même très ému de revivre les détails de son histoire, il ne pouvait faire autrement que d’avoir le cœur lourd en voyant sa mère pleurer pendant la présentation. « Mon accident a été très dur pour ma famille. Mes parents ont perdu une fille quand j’étais jeune et ils sont passés tout près de perdre un deuxième enfant avec mon accident. C’était difficile à vivre, mais je sais qu’ils sont contents de me voir revenir en force. »
Rappel des faits
À 18 ans, Maxim Bouchard revient des Championnats du monde juniors 2008 avec l’impression d’avoir fait le tour du plongeon. Rêvant à une vie conventionnelle, il abandonne la piscine au profit d’un travail à temps plein, de séances au gym et de sorties entre amis. Toutefois, l’ennui le gagne rapidement. « J’ai réalisé que je n’accomplissais pas grand-chose. J’aimais mon travail et je m’investissais à 100 %, mais ce n’était pas le même sentiment. J’ai eu envie de vérifier si le plongeon pouvait me rendre heureux comme avant et j’ai accepté un contrat de trois mois pour un spectacle de plongeon aux Philippines. »
La veille du premier spectacle, tout s’effondre. « En m’élançant d’une plate-forme de 7 m, la petite planche a défoncé et je suis tombé à côté de la piscine dans un trou en ciment. J’ai eu une fracture de l’humérus et du scaphoïde, je me suis blessé aux jambes, au dos et à la tête. En reprenant mes esprits, j’ai vu que j’étais dans un trou avec de l’eau et de la rouille. Je ne voulais pas être là. J’ai essayé de me relever avec mon bras, mais j’ai réalisé qu’il était cassé. Comme c’était impossible de descendre la civière dans le trou, j’ai dû grimper en me faisant aider par mes collègues. »
Une fois arrivé à l’hôpital, qu’il qualifie de médiocre, on lui apprend que l’immeuble n’a pas d’ascenseur et qu’il doit marcher jusqu’au troisième étage pour subir des rayons X. Ensuite, on lui installe un plâtre, une vis dans le scaphoïde, une plaque de 25 cm et 11 vis sur l’humérus et on lui fait des points de suture à la tête, pendant qu’il parle à sa famille au téléphone. « J’avais un téléphone sur chaque oreille : mes parents qui capotaient et mon frère à Monaco qui n’était pas capable de parler parce qu’il pleurait trop. »
Transféré peu de temps après dans un hôpital de Manille, le plongeur est convaincu qu’il pourra replonger sous peu. « Dans ma tête, ce n’était rien de grave. Je pensais reprendre les spectacles rapidement. Mais après deux mois, ma main ne bougeait toujours pas. Le nerf radial était atteint. J’ai commencé à me poser des questions et j’ai choisi de revenir au Québec. Dès mon arrivée, j’ai commencé la physiothérapie, l’ergothérapie et j’ai rencontré Andrée pour élaborer un plan de retour à l’entraînement. Je voulais recommencer à plonger. Mon désir n’est jamais parti. »
Malgré une réhabilitation intensive, Bouchard est ralenti par une tendinite aux deux épaules et des blessures aux genoux. « De janvier à juillet 2011, j’ai dû me concentrer sur la musculation et la réhabilitation de tous mon corps, avant de reprendre l’entrainement intensif de plongeon. » En décembre 2011, il surprend tout le monde en remportant le bronze au 3 m lors des Championnats canadiens seniors d’hiver. Au Grand Prix Coupe Canada de mai 2012, il termine septième au 3 m, à quelques points de certains Olympiens. Trois semaines plus tard, le plongeur prend part aux Essais olympiques de l’équipe canadienne de plongeon et obtient la quatrième position au 3 m et à la tour. Après son dernier plongeon, la tension tombe et les larmes se mettent à couler. « J’étais un peu gêné de pleurer, je ne voulais pas qu’on pense que j’étais déçu. C’était des larmes de joie. J’étais fier de mon cheminement pour me rendre là. Je vivais beaucoup d’émotions en même temps. »
Même si Bouchard affirme qu’il est dans la forme de sa vie et qu’il ne ressent pratiquement aucune séquelle physique de son accident aujourd’hui, les conséquences mentales sont encore bien présentes. « J’ai plus peur de mourir qu’avant. Avant, je prenais l’avion sans problème, mais aujourd’hui, je capote dès que ça shake un peu. Je me mets presque à hyper ventiler. Comme je ne connais pas le pilote et que je n’ai pas le contrôle sur ce qui se passe, ça me fait penser à mon accident quand je suis tombé de la petite plate-forme, sans pouvoir rien faire. »
Ces craintes ne l’empêchent toutefois pas d’avoir de grandes ambitions, lui qui espère se qualifier pour les Championnats du monde de Barcelone en 2013 et les Jeux olympiques de RIO en 2016. « Je dois augmenter la difficulté de mes listes de plongeon, mais mon grand rêve, c’est de participer aux quatre épreuves masculines à RIO : le 3 m et le 10 m, en individuel et en synchro. Peut-être que je vais devoir faire des choix et me spécialiser pour arriver à suivre le calibre international, mais je laisse les choses aller. »
Nul doute que le courage et la ténacité qui lui ont permis de se relever lui donneront des ailes pour le reste de sa vie.
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