Archives des portraits d’après-carrières sportives (relationniste sportive, artistes de spectacles de plongeon à travers le monde, acrobates au Cirque du Soleil, traumatologue sportive, cascadeuse au cinéma et à la télévision) via : http://www.plongeon.qc.ca/?q=node/970
Par Samuel Larochelle
Montréal, le vendredi 13 avril 2012 – Le curriculum vitae de Benoît Séguin a de quoi faire pâlir d’envie à peu près n’importe qui. Ancien plongeur de l’équipe nationale senior, ex-président de Plongeon Canada et diplômé au doctorat de l’Université de Strasbourg, l’homme est actuellement professeur en gestion du sport à l’Université d’Ottawa, en plus d’enseigner le marketing sportif à l’Académie internationale olympique.
Avant de travailler dans la ville d’Olympie, Benoît Séguin a fait ses débuts en plongeon à l’automne 1976, quelques semaines après les Jeux olympiques de Montréal. Fort d’une progression qu’il qualifie de rapide, le plongeur devient membre des équipes nationales junior et senior, remporte un titre canadien au 3 m chez les 16-18 ans, participe aux Jeux du Commonwealth et aux Championnats du monde junior, en plus d’obtenir une bourse afin de plonger à la Florida State University de 1984 à 1988. « À l’époque, les bourses pour plonger en étudiant étaient très rares. J’ai été l’un des premiers francophones à en obtenir une. À mes débuts en Floride, je parlais très peu anglais et mon entourage ne croyait pas que j’allais me rendre jusqu’au bout. Moi-même, je doutais de pouvoir compléter mon bac. » Après deux ans d’ajustements à la barrière de la langue, aux six heures d’entraînement par jour et aux nombreux voyages de compétitions, les choses finissent par se placer. Si bien qu’il termine son bac en étant l’un des deux seuls plongeurs des États-Unis à être nommés « All Academic », en vertu de ses résultats très élevés (une moyenne de A) et de sa participation aux compétitions de fin d’année sur le circuit de la NCAA.
Pendant quatre ans, le Montréalais consacre donc une somme d’énergie colossale au plongeon et à sa formation en éducation physique. « J’étais entraîneur à temps partiel depuis déjà trois ans et je ne me voyais pas faire autre chose que de travailler dans le monde du sport. Lors de ma dernière année au bac, je me suis découvert une passion pour la gestion du sport. Et l’année suivante, j’ai eu le choix entre retourner plonger au Canada ou accepter une bourse de la West Virginia University pour faire une maîtrise en gestion du sport et y travailler comme entraîneur. »
En priorisant les études au cycle supérieur, l’entraîneur-étudiant complète son mémoire avant d’affronter un nouveau dilemme : accepter une offre pour devenir entraîneur à temps plein et professeur à la West Virginia University ou soumettre sa candidature en espérant devenir entraineur-chef d’un club de plongeon à Ottawa. « Après réflexion, mon épouse et moi avions envie de revenir au Canada pour nous rapprocher du Québec et j’ai tenté le coup à Ottawa. Malheureusement, le poste m’a échappé. J’étais dévasté. Peu de temps après, Plongeon Canada m’a offert de travailler avec eux en tant que coordonnateur au marketing et des programmes domestiques. Je me suis dit que ce serait une bonne idée d’aller chercher de l’expérience en gestion du sport sur le terrain, afin de retourner mieux équipé pour enseigner par la suite. »
Travaillant pour les hautes instances du plongeon canadien jusqu’en 1993, Benoît Séguin accepte ensuite le poste de directeur du marketing chez Synchro Canada. « La transition du plongeon à la synchro a été difficile. Je devais comprendre le fonctionnement d’une nouvelle fédération avec des façons différentes de fonctionner. N’empêche, à l’époque, l’équipe canadienne de synchro était première ou deuxième au monde, alors c’était très intéressant pour moi de voir comment elle s’y était rendue et comment elle s’y prenait pour y rester. »
Après cinq ans à mettre les mains à la pâte du sport fédéré, Benoit Séguin devient professeur adjoint à l’École d’administration Laurentienne de Sudbury, en Ontario, où il offre des cours sur le système sportif canadien et son évolution, le fonctionnement des conseils d’administration, l’interaction entre les employés et les bénévoles, et le marketing sportif.
Exclusivité commerciale et protection de la marque olympique
Passionné par le virage commercial entrepris par le mouvement olympique au cours des années 80 et 90, Benoît Séguin suit de près le travail de Dick Pound, grand manitou du marketing olympique au cours des trois dernières décennies. « Après les attentats de Munich en 1972 et le fiasco de Montréal en 1976, le mouvement vivait de graves problèmes financiers et très peu de villes voulaient accueillir les Jeux. En 1977, Los Angeles s’est dit prête à devenir la ville hôte des Olympiques de 1984 si l’événement était entièrement financé par le privé, et non par les contribuables. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à offrir une exclusivité aux commanditaires et que les compagnies ont accepté d’investir beaucoup plus d’argent. Ça devenait de plus en plus intéressant à observer et à comprendre. Un jour, j’ai demandé à Dick Pound comment le CIO envisageait gérer l’évolution de ce qu’on appelle le marketing d’embuscade (embush marketing), et il m’a répondu que c’était une question très pertinente à laquelle on devait trouver une réponse. » Il n’en fallait pas plus pour que Benoît Séguin ait l’idée de faire une thèse universitaire sur le sujet et qu’il obtienne le soutien du CIO, l’accès à ses dirigeants et une collaboration des responsables marketing de plusieurs compagnies internationales.
À la suite de son doctorat, réalisé à l’Université de Strasbourg de 1998 à 2003, le spécialiste en marketing sportif se penche sur les pratiques de commandites pour le compte de Sport Canada, réalise des études de cas sur la natation, le ski acrobatique et l’athlétisme, obtient un poste de professeur superviseur à l’Académie internationale olympique en Grèce, et se charge de plusieurs cours de gestion et de marketing à l’Université d’Ottawa. « Les étudiants aiment beaucoup étudier les aspects théoriques et savoir comment les appliquer concrètement, grâce à l’expérience que j’ai acquise sur le terrain. Il faut savoir que le marketing dans le sport est quelque chose d’unique. La façon qu’ont les gens de connecter avec les émotions générées par le sport permet de créer des liens très forts. »
Entre 2004 et 2006, Benoît Séguin devient également le président (bénévole) du conseil d’administration de Plongeon Canada, quelques années après y avoir siégé en tant que membre. « Le niveau d’implication demandé au président est très grand. Il faut être au courant de tout et travailler étroitement avec le directeur exécutif. Quelques mois avant les Championnats du monde aquatiques de Montréal 2005, nous avons vécu une gestion de crise où j’ai dû agir comme directeur exécutif intérimaire pendant quatre mois. Je crois qu’avant d’occuper un poste de président, il faut vraiment être prêt. Ce n’est pas évident de gérer sa carrière, sa famille et son travail de bénévole. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui font ça. »
Affirmant qu’il ne dirait pas non si la famille du plongeon lui demandait de s’impliquer à nouveau, Benoît Séguin se consacre actuellement à la publication imminente d’un troisième livre au début mai, « Le Marketing olympique – Les clés du succès des J.O. », en plus de continuer son travail en tant que membre du Comité olympique canadien.
Force est d’admettre que chez Benoît Séguin, la vie commence par le sport et se termine par le sport.