Portrait d'après-carrière - 1er de la série
Par Samuel Larochelle
Montréal, le jeudi 26 janvier 2012 – Dans le cadre d’une nouvelle série d’articles portant sur d’anciens plongeurs ayant fait la transition de leur après-carrière dans un domaine relié au sport ou à l’activité physique, Plongeon Québec a choisi de rencontrer l’Olympienne Marie-Ève Marleau pour faire un survol des nombreuses avenues qu’elle a empruntées depuis quelques années, refusant à plus d’une reprise de quitter le monde du sport.
Marie-Ève Marleau aura bientôt 30 ans, mais cela ne l’empêche pas d’avoir un bagage de vie suffisamment intéressant pour donner plus de 100 conférences sur son parcours devant des milliers de personnes depuis 5 ans.
Le premier point tournant dans la vie de Marie-Ève se produit à l’âge de 16 ans, alors qu’elle est à un cheveu de faire sa place sur l’équipe nationale senior de gymnastique. « Cette année-là, j’étais toujours blessée, j’avais perdu le goût pour la gym et je n’étais plus heureuse. J’avais besoin d’un grand changement et j’ai choisi de quitter la gymnastique.»
Malgré ce désir de changement, l’ancienne gymnaste désire garder le sport dans sa vie et tente l’expérience en plongeon. « Je suis allée faire mon évaluation au Club de plongeon CAMO avec César Henderson. Quand il m’a demandé de sauter du 5 mètres, j’ai eu la peur de ma vie. Pourtant, je suis devenue une spécialiste du 10 mètres et César m’a amenée aux Jeux olympiques. »
Six ans après avoir débuté le plongeon, Marie-Ève obtient des performances impressionnantes, mais ne réussit pas à se qualifier pour les Jeux olympiques d’Athènes en 2004, terminant 3e aux essais olympiques derrière Émilie Heymans et Myriam Boileau. Au lendemain de cette amère déception, Marleau cesse de plonger pendant 4 mois et remet en question sa carrière de plongeuse.
Après mûres réflexions, Marleau affirme avoir été incapable, une fois de plus, de mettre le sport de côté. « Je n’étais pas allée au bout de ce que je pouvais faire en plongeon. J’ai repris l’entraînement en apportant plusieurs changements à ma vie. J’ai appris à m’écouter davantage et j’ai trouvé la recette pour équilibrer mon mental. » L’année suivante, Marleau gagne en confiance et obtient une 5e place aux Jeux universitaires mondiaux en Turquie.
Lors des Championnats canadiens seniors en 2007, Marie-Ève Marleau surprend les observateurs en devenant la première plongeuse canadienne à battre Émilie Heymans au 10 m depuis l’hiver 2001. « Ma performance a été un élément déclencheur pour moi. J’arrivais souvent 2e, 3e ou 4e, et personne ne s’attendait à me voir gagner. En réalisant que j’avais battu une fille qui était allée 2 fois aux Olympiques à l’époque, je me suis dit que j’étais capable de m’y rendre aussi. Ça a changé la vision que j’avais de moi. »
L’ultime consécration se produit un an plus tard lorsqu’elle se qualifie pour les Jeux olympiques de 2008. « J’ai super bien performé en demi-finales et en finale à Pékin. J’étais fière de ma 7e position. Avec les échecs et les remises en questions des dernières années, j’avais la preuve que j’avais bien fait de rester dans le sport et de croire en moi. »
Préparer la vie après le plongeon
Pleinement convaincue de la nécessité de faire des études et de réfléchir à son avenir pour éviter de tomber dans le vide en mettant fin à sa carrière de plongeuse, Marie-Ève Marleau débute un baccalauréat en kinésiologie qui se transforme en certificat, avant d’entreprendre un bac en administration des affaires, profil marketing, au HEC de Montréal. « Je n’ai jamais eu d’idées précises de ce que je voulais faire dans la vie, mais je sentais que j’étais une fille de business et que le bac allait m’offrir de bons outils pour mon avenir. »
Représentante des athlètes sur l’équipe nationale de plongeon entre 2005 et 2008, Marie-Ève Marleau effectue le lien entre les plongeurs et la Fédération canadienne de plongeon, et participe aux rencontres du programme « Athlètes CAN », réunissant un athlète par sport à l’échelle nationale.
Au cours de sa dernière année au HEC en 2009, Marleau consacre également une dizaine d’heures par semaine à la coordination du Centre d’excellence des sports aquatiques du Québec (CESAQ). Elle est alors responsable de la liaison avec les clubs du Québec et du reste du Canada qui veulent s’entraîner au centre national, de la gestion des horaires de piscine, de la facturation, etc. « J’ai appris le fonctionnement d’une fédération sportive, tout en gardant un pied dans le plongeon. J’apportais mon point de vue d’athlète et je profitais de ma connaissance du système sportif. Sincèrement, je souhaite à tous les athlètes de faire quelques heures à leur fédé pour comprendre tout ce qu’elle fait pour eux. »
Offrir des conférences partout au Québec
Forte de ses expériences de conférences en compagnie de sa meilleure amie, l’escrimeuse Sandra Sassinne, Marie-Ève Marleau est sélectionnée par la compagnie RBC afin d’offrir des conférences à des groupes d’employés et d’étudiants, en plus d’effectuer des ministages dans différents secteurs de l’entreprise : marketing, publicité, relations publiques, communications, organisation d’événements, service à la communauté. « C’était la première fois de ma vie que j’envoyais un CV et une lettre de présentation pour un vrai travail. C’était un nouveau chapitre dans ma vie. J’avais besoin de quelque chose de sérieux. »
Lors des conférences qu’elle organise autour du thème de la persévérance, Marie-Ève Marleau est invitée à réfléchir sur plusieurs sujets afin de tracer des parallèles entre sa réalité d’ex-athlète de haut niveau et le thème de diverses rencontres de travail chez RBC. « Je sentais que je pouvais aider à les motiver et c’était très gratifiant. »
Une ex-plongeuse aux Jeux olympiques d’hiver
Alors que les yeux du monde entier sont tournés vers les Jeux de Vancouver en 2010, Marie-Ève Marleau est sur les lieux, occupée à gérer le programme « Familles et amis » du Comité olympique canadien. « Chaque Olympien avait droit à 2 invités à qui l’on offrait des ressources pour les horaires, le transport et la nourriture. J’offrais un support moral aux parents qui me questionnaient sur mon expérience et qui me parlaient de ce qu’ils vivaient. » Malgré le bonheur ressenti en découvrant la réalité olympique des organisateurs, Marie-Ève reçoit une leçon d’humilité à Vancouver. « Je suis passée d’Olympienne à celle qui devait vider les poubelles. À ce moment-là, j’ai réalisé que je devais recommencer en bas de l’échelle et refaire mon chemin jusqu’en haut. »
Relationniste avec les sportifs de haut niveau
À l’été 2010, Marie-Annick L’Allier, attachée de presse pour l’équipe canadienne de plongeon aux Olympiques de 2008, suggère à Marie-Ève de faire un stage pour la nouvelle boîte de relations publiques qu’elle vient d’ouvrir. « Je travaillais sur sa table de cuisine et j’apprenais les communications sur le tas. Marie-Annick est devenue mon mentor. » Au menu : gestion d’image, positionnement des athlètes dans les médias pour faire parler d’eux le plus souvent possible, recherche de commanditaires, développement du contenu des conférences offertes par les personnalités sportives, conseils et accompagnement. Depuis un an et demi, Marie-Ève collabore avec les plongeurs Émilie Heymans, Jennifer Abel et Alexandre Despatie, le skieur acrobatique Alexandre Bilodeau, les patineurs de vitesse François-Louis Tremblay et Marianne St-Gelais, le nageur paralympique Benoit Huot, la planchiste Caroline Calvé, la volleyeuse Marie-Andrée Lessard, en plus de l’Olympienne retraitée Isabelle Charest, de l’entraîneure de hockey féminin Danièle Sauvageau et de la chorégraphe Geneviève Dorion-Coupal.
Difficile de travailler avec d’anciens collègues athlètes? « Le premier contact est plus simple avec ceux que j’ai côtoyés à l’entraînement pendant des années, mais notre amitié peut rendre les choses moins évidentes d’un point de vue professionnel. On dit souvent de ne pas mêler amitié et travail, mais les relations publiques nous obligent à être très proches des gens. Il faut apprendre à trouver l’équilibre entre les deux. »
La prochaine étape
Marie-Ève Marleau avoue sans gêne qu’elle n’a pas encore trouvé quel était son prochain rêve. « Un jour, j’ai entendu Mark Tewksburry dire que ça prenait entre 2 et 10 ans pour faire la transition du sport à la vraie vie. Ça ne veut pas dire qu’on reste déprimé pendant 10 ans, mais ça peut être très long avant de savoir réellement ce que l’on veut. Aujourd’hui, je n’ai pas encore trouvé un objectif clair comme à l’époque où j’étais athlète. »
Une chose est pourtant claire dans la tête de Marie-Ève. « Il va y avoir du sport amateur dans ma vie. Ça vient chercher mes émotions et toute mon expérience. Soit je me trouve un boulot relié à ça, soit je m’enfuie pour m’ouvrir un camp de surf ailleurs dans le monde! »
Voyez comme le sport n’arrive pas à sortir de sa vie ?