Par Samuel Larochelle
Montréal, vendredi 4 mars – À 19 ans seulement, son sourire ferait fondre n’importe qui, ses deux médailles d’or et sa médaille d’argent gagnées aux Jeux du Commonwealth l’ont mis dans le collimateur de bien des médias, et sa première médaille d’or remportée lors du Grand Prix d’Espagne il y a deux semaines vient de lancer un message très clair au monde entier : la plongeuse Jennifer Abel n’est plus seulement une jeune athlète à surveiller, mais bel et bien une fière compétitrice sur qui on doit toujours compter.
Quand on rencontre Jennifer Abel sur le coin d’une piscine, impossible de rester indifférent à son énergie et à sa bonne humeur, mais force est d’admettre qu’un tel enthousiasme aurait pu être mis au service d’une autre discipline sportive avec autant de succès. Pourtant, depuis bientôt 15 ans, c’est le plongeon qui l’emporte : « Il y a quelque chose de spécial avec le plongeon. Étant donné que mon corps est mon instrument de travail, je suis obligée d’apprendre à vraiment bien me connaître si je veux pousser mes limites au maximum en perfectionnant chacun de mes mouvements. Avec les années, je crois que pratiquer le plongeon m’a permis de me connaître mieux que la majorité des jeunes de mon âge. »
Bien entendu, vouer une passion dévorante pour le plongeon, c’est bien, mais de l’avis même de Jennifer, le sport, c’est bien plus encore : « L’adrénaline que je ressens en voulant gagner, les émotions qui prennent le dessus comme en Espagne lorsque j’ai réalisé que la médaille d’or était à ma portée et que tous mes sacrifices allaient rapporter, j’en prendrais toujours plus. »
« Quand les juges me donnent des bonnes notes, c’est comme ça que je me sens belle. »
Essayer d’atteindre la perfection en écoutant les conseils de ses entraîneurs, César Henderson et Aaron Dziver, Jennifer Abel avoue ne pas pouvoir s’en passer : « Plus je m’améliore, mieux je me sens. Quand je plonge devant sept juges qui ne regardent que moi et qu’ils me donnent des 8 parce qu’ils ont aimé ce qu’ils ont vu, c’est comme ça que je me sens belle. Peut-être que certaines personnes sont nées pour danser ou pour chanter, mais moi je suis née pour plonger, et je n’ai pas fini de travailler ».
Dire de Jennifer Abel qu’elle est née pour plonger n’est rien d’autre qu’un bel euphémisme. À quatre ans, la jeune plongeuse originaire de Laval apprenait à nager à la piscine du Père-Marquette en voyant son frère plus vieux – son idole de l’époque – sauter sur les tremplins. Il n’en fallait pas plus pour que Jennifer se décide à faire de même : « Quand j’étais à la piscine avec ma mère, elle ne pouvait pas regarder ailleurs pendant deux minutes sans que j’en profite pour sauter dans la piscine. »
À 16 ans, alors que tout le monde voyait Jennifer participer aux Jeux olympiques de 2012, la plongeuse du club CAMO réussit à se qualifier pour les Jeux de Pékin en 2008. Un an plus tard, lors des Championnats du monde aquatiques de Rome, elle obtient le deuxième meilleur pointage des demi-finales, avant de craquer sous la pression et de dégringoler au classement en finale : « Même si ça s’est mal passé en finale, le déclic s’est produit dans ma tête et ma performance a changé la perception que les gens avaient de moi. » Environ 18 mois plus tard, en Espagne, Jennifer Abel est restée solide jusqu’à la fin pour mettre la main sur sa première médaille d’or en Grand Prix : « Avant mon dernier plongeon, j’ai vu que si je ne le manquais pas, j’avais des chances de gagner. Lorsque le tableau indicateur a affiché ma victoire, j’ai senti une énorme pression tomber. C’était ENFIN ma journée. J’avais hâte de gagner en Grand Prix, c’était une étape importante pour moi, et je suis heureuse d’avoir une victoire qui n’appartient qu’à moi. »
Les Jeux olympiques de 2012 : une compétition comme les autres ?
Encore aujourd’hui, Jennifer Abel refuse de voir les prochains Jeux de Londres comme étant différents des autres compétitions : « Je n’ai pas envie de tomber dans le cercle vicieux de la pression pour les Jeux olympiques. C’est trop pour moi. Si ça ne se passe pas bien à Londres, ce n’est pas la fin du monde, je ne vais pas en mourir, et je vais me reprendre en 2016. » Ainsi, au lieu de viser l’or ou le podium lors de l’épreuve individuelle, Jennifer se concentre sur une place en finale, considérant qu’elle a plus de chances d’attendre une des trois marches à l’épreuve du 3 mètres synchro avec sa partenaire Émilie Heymans, triple médaillée olympique. « Ce n’est pas parce que j’ai gagné l’or dans une épreuve individuelle en Grand Prix que ça va automatiquement se reproduire aux Jeux. On ne sait jamais si on va être en bonne forme le jour même de la compétition. »
Toujours est-il que Jennifer Abel est considérée comme l’une des plongeuses les plus puissantes sur la planète, qu’elle est la première femme à exécuter un double saut périlleux et demi avant avec deux vrilles au tremplin de 3 mètres, qu’elle a battu deux Chinoises au Grand Prix d’Espagne, et qu’elle était à huit points des standards de Plongeon Canada qu’elle doit réussir à deux reprises afin de maximiser ses chances de sélection olympique. Bien que la jeune sensation ne veuille pas s’étourdir avec la pression pendant les mois qui la sépare des Jeux de Londres en août 2012, c’est avec un sourire en coin que nous continuerons de la regarder gravir les échelons vers les plus hauts sommets.