ROSELINE FILION : CELLE QUE L'ON N'ATTENDAIT PAS | MEMBRE PLONGEON QUÉBEC DU MOIS DE MAI 2011

Par Samuel Larochelle

Montréal, jeudi 9 juin 2011 – Roseline Filion a longtemps été perçue comme « l’underdog » de l’élite canadienne de plongeon. Sous-estimée, surprenante de succès ou travailleuse acharnée, la jeune Lavalloise n’a pourtant rien volé le 1er mai dernier à la Coupe Canada de Montréal lorsqu’elle a remporté sa deuxième victoire individuelle en carrière sur le circuit des Grands Prix, se méritant par le fait même le titre de Membre Plongeon Québec de mai.

Aujourd’hui reconnue pour son sourire contagieux, autant à l’entraînement que lors de ses compétitions partout à travers le monde, Roseline Filion n’est pas une plongeuse à qui tout est arrivé sans effort. Gymnaste à 5 ans, surentraînée trop rapidement, la jeune Roseline est victime d’un blocage mental très tôt dans sa carrière. Heureusement pour son avenir sportif, une plongeuse olympique vient changer le cours de sa vie : « J’ai vu Annie Pelletier gagner sa médaille de bronze aux Olympiques d’Atlanta. Je la trouvais bonne, je la trouvais belle, et je voulais devenir comme elle. Les Jeux étaient en août, et en septembre, j’étais inscrite au Club de plongeon Laval. »

Profitant de ses nombreux acquis de gymnaste pour apprendre les bases du plongeon, Roseline est rapidement transférée dans le groupe dirigé par l’entraîneure Pascale Gauthier. « Pascale était très exigeante, mais j’étais habituée à ça en gymnastique. Avec le temps, j’ai réalisé que c’était la bonne méthode avec moi. Je pleurais beaucoup à l’entraînement quand j’étais jeune et il fallait me pousser dans le derrière pour avoir du succès. » Les périodes de larmes auxquelles Roseline fait référence se produisent principalement les mardis et les jeudis de chaque semaine, lorsque son groupe s’entraîne à la piscine olympique. « Je savais que ces journées-là servaient à nous apprendre de nouveaux plongeons difficiles. J’avais peur, je pleurais tout le temps, je ne voulais pas y aller et j’ai failli tout arrêter. Mais un jour, mon grand-père, qui est probablement mon fan numéro 1, est venu me parler et m’a fait comprendre à quel point j’adorais plonger. »

Quelques années plus tard, Roseline prend la décision de continuer son développement au Club de plongeon CAMO, sous la direction de l’actuelle directrice exécutive de Plongeon Québec, Isabelle Cloutier. « J’avais peur d’arriver à CAMO et de m’entraîner dans la même piscine qu’Alex et Émilie. Avec Isabelle, j’ai appris à « spotter », j’ai solidifié ma base et c’est elle qui m’a fait réaliser que mes sacrifices pour le plongeon en valaient la peine. Elle a débloqué plusieurs choses avec moi et c’est beaucoup grâce à elle si je suis devenue la plongeuse que je suis aujourd’hui. »

En 2002, Roseline Filion vit une grande déception en échouant sa qualification pour les Championnats du monde juniors. Néanmoins, l’année suivante, Michel Larouche et César Henderson voient en elle quelque chose de spécial et l’invitent à s’entraîner avec le groupe Objectif 2004 aux côtés d’Alexandre Despatie, Émilie Heymans, Nicholas Leblanc, Christopher Kalek et Philippe Comtois. Malgré cette merveilleuse opportunité, 2004 est une année difficile pour Roseline. « J’ai fait un flat aux Nationaux seniors et je ne me suis pas qualifiée pour les essais olympiques. Je savais que je n’avais pas de chances pour les Jeux cette année-là, mais tous les plongeurs de mon groupe allaient aux essais sauf moi. C’était difficile à accepter. » Plus tard en 2005, Roseline commence à plonger sous la direction de Michel Larouche et choisit de se spécialiser à la tour. « J’étais très impressionnée de plonger avec Michel. C’est le meilleur entraîneur au monde. »

Qui dit 2005, dit nécessairement Championnats du monde aquatiques de Montréal, la foule, les médias, l’Histoire. « Je ne réalisais pas ce qui se passait. Meaghan et moi, on sortait de nulle part. Nos entraînements durant la semaine n’allaient pas bien et on ne s’attendait à rien. Finalement, lors du premier plongeon des préliminaires, avant même que nous soyons présentées, les gens ont reconnu la feuille d’érable sur nos maillots et ils ont commencé à crier. À ce moment-là, Meaghan et moi, on s’est regardé et on est partie à rire. On ne comprenait pas pourquoi les gens nous encourageaient sans nous connaitre. C’était comme un match d’hockey au Centre Bell. » La suite est connue : une médaille de bronze surprise, une foule en liesse, des journalistes qui se poussent dans la zone mixte pour leur poser 1000 questions, leurs visages sur les couvertures de tous les journaux le lendemain matin, des entrevues partout à la radio et à la télé. C’est la folie. « Encore aujourd’hui, en retournant sur les lieux de la compétition, ça me donne des frissons ».

Arrive ensuite l’année 2008 où le tandem Filion/Benfeito est clairement surclassé par la paire formée par Marie-Ève Marleau et Émilie Heymans, qui finit par se taille une place parmi les meilleures au monde. C’est ainsi qu’après une année de déceptions, de blessures et d’espoirs olympiques presque anéantis, Roseline et Meaghan ajoutent une compétition en Allemagne à leur horaire pour accumuler des points leur permettant d’accéder aux essais olympiques. « Rendue aux essais, je pensais seulement pouvoir me qualifier pour l’épreuve individuelle, mais j’ai finalement été battue. J’en pleurais et je n’ai pas dormi de la nuit. Je pensais que je n’avais plus aucune chance d’aller aux Jeux. Finalement, le lendemain, Meaghan et moi avons gagné en synchro. »

Viennent alors Pékin, des cérémonies d’ouvertures grandioses, une photo prise avec le phénomène du tennis Rafael Nadal, une chaleur insupportable, 350 athlètes canadiens à chanter le « Ô Canada » avant d’entrer dans un stade rempli de 90 000 personnes. L’effet est énorme. « Personne ne peut se préparer à l’expérience olympique, la foule qui te regarde, les médias en quantité. Même si on essaie de nous l’expliquer, il faut le vivre pour le comprendre. Meaghan et moi étions capables de gagner une médaille, mais nous n’avons pas bien plongé et nous sommes arrivées septièmes. »

Heureusement pour Roseline Filion, le retour à Montréal est plus positif qu’elle ne l’imagine : « Les gens étaient gentils et impressionnés par ma participation aux Olympiques. Ça m’a aidé à remettre les choses en perspectives. J’étais fragile et très déçue, et ça m’a pris 18 mois avant de revoir notre épreuve. Pourtant, la meilleure manière de passer à autre chose, c’est de regarder ce qu’on a fait pour savoir quelles erreurs ne pas reproduire. »

Presque toujours présentée comme la fille qui performe en synchro, Roseline Filion est particulièrement fière de sa victoire individuelle au Grand Prix Coupe Canada de Montréal. « J’aurais été satisfaite de moi avec ou sans médaille, et même si ce n’était pas des Chinoises que j’avais battues. Ma victoire est importante par rapport à moi, par rapport à ce que je suis devenue et à tous les efforts que j’ai fournis depuis des années. Ça, c’est extrêmement gratifiant. »

En plus d’accumuler les médailles sur la scène internationale, Roseline Filion a insufflé un vent de fraicheur et de bonne humeur sur le circuit de la FINA depuis des années. Voilà un bel exemple où la persévérance d’une athlète aura permis à un pays de faire le plein de podiums et au monde entier de profiter d’un sourire qu’il n’est pas sur le point d’oublier.

Crédits photo : Vincent Graton (1 et 5) et Clay Neddo (4)


Publié le 9 / 06 / 2011 classé sous Membre du mois.