PLONGER DANS L'UNIVERS DU CIRQUE DU SOLEIL | TEXTES SUR LES APRÈS-CARRIÈRES SPORTIVES

Portraits d'après-carrières sportives

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Par Samuel Larochelle

Montréal, jeudi le 9 février 2012 – Le Cirque du Soleil fait rêver petits et grands depuis bientôt 30 ans. Réputée pour engager des athlètes et des artistes de partout à travers le monde, l’entreprise lorgne régulièrement du côté des plongeurs qui désirent faire la transition entre la compétition et l’univers circassien. Non seulement ces derniers sont sollicités afin de participer au spectacle aquatique « O », mais leurs qualités athlétiques sont également mises à contribution dans plusieurs autres spectacles à grand déploiement. Rencontre avec les plongeuses-acrobates Caroline Lauzon (O, Iris) et Nancy Chen-Ouellet (Mystère) qui nous font découvrir la réalité du Cirque du Soleil.

Caroline Lauzon
Débutant le plongeon à 14 ans, après avoir été gymnaste pendant 8 ans, Caroline Lauzon est sacrée championne canadienne junior à la tour en 2000, en plus de remporter des médailles au 10 m synchro aux Grands Prix de Chine et d’Australie, aux côtés d’Émilie Heymans. En 2004, Lauzon décide d’envoyer une vidéocassette au département de casting du Cirque du Soleil pour leur présenter ses habiletés en plongeon, en gymnastique et en danse. « Deux semaines plus tard, on m’a proposé de développer un numéro de voltige sur le spectacle Corteo. J’ai accepté sur le champ ! »

Occupée pendant 10 mois sur le projet de recherche, Caroline Lauzon est ensuite attirée par le spectacle « O », présenté à Las Vegas depuis 1998. « C’était le match parfait pour moi. J’ai eu la chance de faire une formation de 6 mois avant de déménager à Las Vegas. Je faisais de la voltige et du cerceau aérien, un peu de plongeon pendant le numéro « russian swing » et je remplaçais pour deux autres personnages. » En novembre 2011, après 5 ans à se mouiller à l’hôtel Bellagio de la capitale du jeu, Caroline change de spectacle et découvre une nouvelle ville. « L’automne dernier, je suis partie à Los Angeles pour participer à la création du spectacle IRIS, sur l’univers du cinéma. Je travaille sur le numéro final de bungee-trapèze, je fais de la corde molle, de la corde lisse et un passage de « parkour », qui consiste à utiliser son corps et son environnement pour se déplacer. Le spectacle est présenté au Kodak Theater, la salle où se déroule la cérémonie des Oscars depuis des années, à Hollywood. »

Nancy Chen-Ouellet
S’entraînant au Club de plongeon CAMO de 1985 à 1992, avant de faire le saut avec le Rouge et Or de l’Université Laval pendant ses études en ingénierie dans la ville de Québec, Nancy Chen-Ouellet participe d’abord à des spectacles de plongeon, de trampoline et de trapèze aux États-Unis et en Chine. « Je ne pouvais pas me départir de ma passion pour le plongeon du jour au lendemain. Si j’avais pu, j’aurais plongé toute ma vie. »

En 2004, alors que sa carrière dans les spectacles de plongeon est derrière elle depuis quelques années, Nancy Chen-Ouellet reçoit un appel d’une amie acrobate qui lui suggère de passer une audition pour un contrat de 3 mois sur le spectacle Mystère, créé en 1993. « J’ai eu seulement quelques jours pour trouver un trapèze et m’arranger pour filmer ce que je savais faire. Trois semaines après avoir envoyé ma vidéo, je m’entraînais à Las Vegas. C’est une des plus belles expériences de ma vie ! » Après son contrat de remplacement en 2004, Chen-Ouellet déménage sa vie et sa famille dans le désert du Nevada de 2006 à 2008, afin de faire du trapèze bungee, du mat chinois, des échasses et du taïko (tambours accrochés au plafond).

Horaire très chargé
Pendant ses trois années à Las Vegas, Nancy Chen-Ouellet participe à 10 spectacles par semaine. « Les spectacles duraient 90 minutes chacun et nous avions entre 5 et 8 changements de costumes par spectacle. C’était excessivement exigeant. Les gens du Cirque du Soleil s’occupent de leurs artistes à merveille, mais ils s’attendent à nous voir performer à 110 %. Toute la sueur de ma vie est passée par là, mais je n’ai jamais eu l’impression de travailler. J’aurais payé pour faire ça ! »

Avec Iris, Caroline Lauzon offre 8 spectacles par semaine, continue de s’entraîner, participe à un tapis rouge le mercredi et à des réunions de modifications de mise en scène (« staging ») deux fois par semaine. Elle n’a que le lundi de congé. « Ce n'est pas toujours facile pour le corps, explique Caroline. Il faut toujours être au meilleur de sa forme et offrir un certain niveau de performance à chaque spectacle. C'est comme être en compétition 6 jours par semaine, à longueur d'année. Mais c'est un travail très gratifiant. Il n'y a pas de mots pour expliquer le sentiment que je ressens en performant devant 2000 personnes chaque soir, en les voyant parfois pleurer, rire ou même être effrayés par ce que l'on fait sur scène. C'est cette petite lueur de magie dans les yeux du public qui nous donne le courage de monter sur scène tous les jours et de donner tout ce qu’on a. »

Les prérequis du Cirque du Soleil
Des critères de sélection bien précis sont nécessaires aux yeux d’Éric Heppell, un Québécois ayant travaillé à titre d’entraîneur ou de directeur artistique sur les spectacles Mystère, O, Zumanity, LOVE, KÀ, Saltimbanco, Quidam, Believe et OVO. « Les athlètes doivent posséder une technique de haut niveau, mais il leur faut aussi un sens artistique, une aisance avec le jeu et la capacité d’émouvoir. Un candidat qui possède tout ça va rapidement se démarquer des autres. Par contre, quelques fois, si un candidat n’est pas le meilleur acrobate ou le plus inspiré artistiquement, il peut quand même faire sa place en démontrant une polyvalence dans plusieurs domaines (plongeon, jonglerie, danse, mime, comédie, acrobatie au sol, acrobatie aérienne, etc.) ».

Selon le type de numéro envisagé, certaines exigences s’ajoutent. « Par exemple, une voltigeuse ne doit être ni trop grande, ni trop lourde, puisqu’elle est portée par un autre humain, indique Caroline Lauzon. Pour la planche sautoir, les partenaires sont environ du même poids puisqu’ils se propulsent l’un et l’autre avec la planche. »

Les meilleurs athlètes ne deviennent pas toujours les meilleurs artistes de cirque
Bien que l’orientation spatiale développée par les plongeurs soit un atout pour une quantité infinie de numéros, les Olympiens et les champions du monde ne deviennent pas nécessairement les meilleurs candidats pour le Cirque du Soleil. « Ils sont parfois les pires, avoue Eric Heppell. Plusieurs d’entre eux ont une façon bien personnelle de faire les choses et ils ont souvent de la difficulté à travailler en équipe. Les artistes doivent être ouverts et réceptifs d’un point de vue artistique, avoir la passion pour le métier de la scène et savoir travailler en équipe. Si quelqu’un ne sait pas mettre de l’eau dans son vin, il ne survit pas longtemps au Cirque. »

De toute évidence, l’ego de certains Olympiens s’avère incompatible avec la réalité du cirque. « Certains athlètes qui ont excellé dans leur discipline arrivent en jouant les prima dona, raconte Nancy Chen-Ouellet. Ils s’attendent à être traités comme des rois et des reines, alors ils se sentent perdus. À travers les années, j’ai croisé plusieurs athlètes qui avaient une vision erronée du cirque. »

Selon Caroline Lauzon, l’aspect artistique est également problématique pour plusieurs anciens athlètes de haut niveau. « Le Cirque a créé une formation générale pour apprendre aux ex-athlètes à développer leur côté artistique, mais ce n'est pas donné à tous. Contrairement aux cirques traditionnels, les spectacles du Cirque du Soleil sont basés sur différents personnages qui contribuent à l'histoire du spectacle. À mes yeux, c’est tout aussi important pour les artistes de savoir jouer et de toucher les spectateurs profondément que de réussir le trois et demi avant carpé sans éclaboussure. »

La vie de saltimbanque
Déménager à Las Vegas ou partir en tournée à travers le monde implique également de quitter sa famille et ses amis. Certaines personnes sont d'ailleurs mieux préparées que d’autres à cette réalité. « En tournée ou à Las Vegas, on est toujours un peu exclus du reste du monde, raconte Caroline. Les membres de la troupe deviennent les seules personnes que l'on côtoie et c'est parfois difficile. Mais avec le temps, il se crée des amitiés très solides qui nous aident à nous adapter. »

Très enthousiaste face à son ancienne vie d’artiste au Cirque du Soleil, Nancy Chen-Ouellet se souvient très bien de l’ambiance de travail qui régnait avec son groupe. « Je côtoyais des gens de tous les continents. C’était tout un défi d’arriver à mélanger 50 nationalités et de réussir à communiquer. »

Qui sait, peut-être existe-t-il parmi nous plusieurs jeunes plongeurs et plongeuses qui goûteront à l’ambiance de rêve qu’a vécue Nancy Chen-Ouellet, qui participeront à des spectacles aux côtés de Caroline Lauzon ou qui partiront à l’autre bout du monde pour continuer leur passion.

 

Publié le 9 / 02 / 2012 classé sous Communiqués de presse.